On aurait continué longtemps sur ce ton si j'avais pu retenir encore un instant le sommeil qui siégeait en moi depuis des heures. Mais je ne me sentis même pas sombrer dans le monde du rêve. Lorsque je m'éveillai la première chose que je vis fut cet homme dont j'avais craint la fuite. Mais je ne pus pas m'en réjouir, à cause de cette inquiétude qui déformait ses traits. Alors seulement j'entendis moi aussi frapper à la porte. Ensuite les pas s'éloignèrent. Un coup d'œil au réveil m'apprit qu'il était vingt heures.

-J'ai tellement bien dormi, murmurai-je au beau jeune homme torse nu près de moi.

• - J'ai vu, sourit-il. J'en suis heureux. J'avais peur que ton sommeil soit agité. Je suis flatté que ce n'ait pas été le cas.

• - Je te fais confiance, souris-je en effleurant son visage. Embrassons nous une dernière fois, ensuite j'appellerai Claire, ce devait être elle tout à l'heure.

• - C'est ce que je pense, la présidente serait entrée, contrairement à elle. On se redressa dans le lit, je l'enjambai et ce fut à califourchon sur lui que je lui donnai un doux baiser. Toujours troublée d'avoir à garder les yeux plongés dans les siens, je réalisai que je commençais à y prendre goût.

• - As tu rêvé d'elle?

• - Tu es un être bien étrange, pour me demander cela avec un air aussi serein.

• - C'est que si tes nuits lui appartiennent, je préfère avoir tes jours. Aucun de nous ne rectifia ces paroles mais je fus certaine que lui aussi venait de se rappeler qu'elle était de toute façon certainement morte. Il ne lui appartenait certainement plus que par le souvenir. J'appelai Claire mais elle ne décrocha pas. Cela dit elle entra cette fois sans frapper dans l'appartement que nous avions laissé ouvert, puis dans la chambre.

• - Désolée de vous déranger. Je vis dans ses yeux se succéder l'attendrissement puis la jalousie.

• - Toi aussi tu trouveras un homme qui te mérite, lui dis-je tendrement.

• - Un homme qui m'aimerait après ce que j'ai fait cette nuit? J'en doute. Je peux lui parler seule à seule, demanda-t-elle à Aiden? J'eus du mal à le laisser partir, car du moment où il ne fut plus contre moi moi, il commença déjà à me manquer.

• - Que s'est il passé, la questionnai-je?

• - J'ai l'information.

• - Bien. Mais tu n'as pas l'air heureuse.

• - Il est mort. J'avalai avec difficulté. A l'instant, parvint elle à ajouter. Je... J'avais appelé les secours. Je l'avais emmené là où j'avais dit qu'il était. Je les ai observés de loin. Il s'est évanoui avant qu'ils n'arrivent. Ils n'ont pas réussi à le réanimer.

• - Mais comment...?

• - J'avais en tête de l'enfermer dans un cachot jusqu'à ce qu'il crache le morceau. Toi non plus tu ne savais pas qu'il y en avait hein ? Quand la présidente me l'a dit j'en suis restée pantoise. En fait il était déjà dans un état second quand je l'ai ramené ici. Je crois qu'il ne m'a répondu qu'au milieu des brouillards de l'agonie. Cristal, est ce que tu réalises que eux et moi, nous venons de tuer un homme?

• - Seulement eux. Claire, regarde moi. Elle leva péniblement les yeux sur moi. Ils ont bu trop de son sang. Tu n'y es pour rien.

• - Si je l'avais emmené aux urgences tout de suite...

• - Nous sommes en guerre. Déjà, toi comme moi, nous savons que jamais il ne nous prendra l'envie de les tirer comme des lapins, alors que nous en sommes capables, nous avons été entraînées pour cela. Cet homme là n'est pas mort sous tes coups. Tu avais l'intention de le faire soigner dès que tu aurais l'information qu'il te fallait. Les guerres ont vu de pires bourreaux. Viens dans mes bras. Elle grimaça. Nous reprendrons nos chamailleries comme avant, souris-je, dès que tu iras mieux. Je te le promets. Elle soupira. Puis elle fit un effort - pour libérer ses larmes. Et enfin elle accepta mes bras. Plusieurs minutes après elle reprit la parole.

• Je voulais passer les deux heures de service qu'il me restait pour aller à leur base et la saboter le plus possible. Je voudrais que tu viennes avec moi. Je secouai la tête.

• - On ira. Mais à la fin de mon service. Consacre ces douze heures à dormir et retrouver tes proches. Elle rit, hystérique.

• - Tu n'y as pas réfléchi? Ils nous ont choisis pour de multiples raisons. Mais l'une d'elle était que nous étions déjà seuls quand ils nous ont trouvés. Il n'y a pas de meilleur moyen de garder un secret. Ma famille me détestait, et mes amitiés étaient superficielles.

• - Oui je peux trouver des raisons équivalentes, réalisai-je. N'as tu pas des passions pour calmer tes nerfs? Elle réfléchit.

• - Je vais sortir, réfléchit elle. Puis elle sourit, sincèrement cette fois. Oui, je vais aller en boîte remuer en rythme et attirer les regards masculins. Ça va me faire du bien.

• J'admirai le bon sens de ma coéquipière. Certes cela pouvait paraître futile vue l'ambiance dans laquelle nous étions depuis le début, pourtant c'était très courageux de sa part. Elle au moins tentait en effet de retourner à la vraie vie. Peut être la présidente lui avait elle parlé à elle aussi de la nécessité de le faire.

• - Et toi que feras tu cette nuit, reprit elle ?

• - Espionner cette foutue base. Et puis j'aviserai. Je ne serais pas étonnée qu'un nouveau message m'attende chez les Black.