Centaure d'un dieu, tous les articles.
Il releva sa frange au moment où j'allais faire demi tour et ses petits yeux abyssaux me semblèrent en détresse. Je souris en posant un doigt sur sa bouche avant de poser furtivement les lèvres sur cet index. Je ne me retournai pas en quittant le guerrier.
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- Gareth, tu traînes, souris-je sans le regarder en le rejoignant.
Il me suivit en grommelant et me scia les jambes :
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- Tu ne t'en rends pas compte, mais c'est désagréable de toujours servir de deuxième choix, Aliénor.
Je m'arrêtai, mais il m'empoigna pour continuer : les architectes suivaient. Rageuse je leur lançai :
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- D'accord, je pars par là et je vous indique quels bâtiments sont à préserver. Tous les autres pourront être détruits. Celui que vous voyez là-bas, orné de drapeaux, il faut le préserver.
Plus bas mais sans transition je parlai à Gareth sans pour autant me cacher :
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- Je t'aime aussi, tu le sais, Gareth. C'est défendu, n'est-ce pas ? Alors pourquoi en réclames-tu des preuves ?
Mes émotions me causeraient des ennuis. Pourtant, en tant que créature beaucoup trop sanguine, je ne pouvais simplement pas me maîtriser.
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- Ce bâtiment-là ressemble au précédent, il n'a pas la même valeur ? Me questionna-t-on, comme depuis une réalité parallèle qui soudain m'importait beaucoup trop peu.
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- Celui-là, indiquai-je aux hommes derrière moi, à préserver.
Je passai la matinée sur la même lancée mais grâce à Gareth ce ne fut pas ennuyeux car il posa des questions sur mes raisons. Alors j'expliquais le style ancien, puis l'utilisation des lieux de quand j'habitais encore cette ville, ou l'actuelle lorsque c'était écrit sur le fronton. Certaines fois il s'étonna : les xivians étaient différents de nous sur de plus nombreux plans que je l'avais cru jusque-là. Ainsi nous ne reparlâmes pas de son reproche initial. Je l'archivai simplement parmi les choses à aborder à un moment plus opportun.
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- Qu'est-ce qu'une banque ? Demanda-t-il par exemple.
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- Un endroit où se passent les opérations monétaires, répondis-je après un long temps de réflexion, n'étant absolument pas habituée à fournir de telles définitions.
Je me risquai ensuite à lancer un regard inquiet au prince. Celui-ci m'observait paisiblement, concentré sur ce que je venais d'expliquer. Ses cheveux noir-corbeau caressaient ses épaules en rythme tandis qu'il marchait sans regarder devant lui, levant le menton pour me rendre mon regard.
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- Qu'est-ce que c'est ? Questionna-t-il encore.
Je retins un soupir. Détaillant le paysage pour me donner une contenance, je désignai un bâtiment aux architectes comme devant être maintenu en l'état.
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- Comment se passait l'économie sur Xivia ? Interrogeai-je le dieu, priant pour qu'il soit plus aisé de rebondir sur ce qu'il répondrait.
Les comparaisons rendraient peut-être plus faciles mes explications.
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- Je ne te comprends pas, s'excusa Gareth.
Je pris une minute pour reformuler en désignant une nouvelle construction aux architectes. Le rythme avait ralenti, compris-je alors que j'adaptais mes foulées trop rapides. Ces gens n'étaient pas habitués à la randonnée.
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- Lorsque tu vas au restaurant, comment payes-tu ton repas, ensuite ?
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- Que signifie payer, Aliénor ?
Mon flanc animal tressauta, preuve de ma frustration grandissante. Mais je serrai les dents pour retenir encore le soupir qui s'imposait peu à peu au bord de mes lèvres. Au moins pouvais-je toujours maîtriser la partie humaine de mon être hybride.
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- Que donnes-tu en échange de ton repas ?
Cette fois, le prince émit un doux rire devant la difficulté que nous éprouvions à nous expliquer deux systèmes diamétralement opposés. Cela allégea mon cœur, comme le faisait toujours son hilarité.