Le destin des immortels - nouvelle publication
Shalimar ne put pas continuer. Tout son être s'était bloqué. Cette sensation lui fut presque douloureuse. La stupeur prit possession du visage de l'immortel, le rendant enfin plus humain, en admettant que ce fût possible.
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- Mais... comment fais-tu quand tu te nourris, Shalimar ?
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- Je les laisse m'embrasser en emprisonnant leurs mains dans les miennes et ensuite je mords.
Il s'écarta d'elle, se rassit et se laissa aller contre le dossier de la chaise de bar ; alors elle asséna:
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- Mais maintenant je vais bien, simplement je ne veux plus jamais être emprisonnée avec un être qui me regarde avec ce type de convoitise.
Il l'étudia encore un moment tandis que de son côté, l'immortelle regretta encore qu'il soit aussi vieux jeu. Après tout, on parlait seulement d'une bonne couverture et d'un moyen de veiller les uns sur les autres – de surveillance réciproque, également. Une vampire aurait parfaitement pu remplir ce rôle envers Shalimar. Seulement Sofiane tenait à former des couples mâles femelles, sauf pour ceux d'entre eux qui formaient des couples homosexuels. Il pensait que l'attirance constituait une des raisons principales pour lesquelles le système fonctionnait. Lorsque l'autre devenait sa chose légitime, on avait tendance à veiller à le garder à sa disposition. La surveillance conduisait à ce résultat. En outre, Sofiane se montrait sévère, envers ceux qui échouaient dans leur devoir de surveillance. Certains trouvaient la mort de ses mains. D'autres se retrouvaient seuls pour quelques décennies, ce qui était, à écouter les rumeurs, un destin tragique.
Tandis que la brune créature secouait la tête, amère de ces pensées si graves, lui continua sa lecture. Il lui rendit son papier, elle recopia au propre. En la voyant ramasser son sac, il proposa :
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- Tu peux laisser tes affaires puisque tu reviens ce soir pour me faire lire la réponse.
Soulagée elle s'envola par la fenêtre. Au moins ce soir son sac serait en sécurité. Se retournant elle nota qu'il la regardait partir. Un frisson la prit, mais bien vite elle fut à l'orphelinat. Sloan ne dormait pas. Elle s'inquiéta du fait qu'il allait se créer des soucis à veiller aussi tard. L'immortelle attendit la réponse à la fenêtre, observant les autres enfants qui dormaient tous sauf lui. Enfin elle récupéra le mot et s'échappa, même s'il avait tenté de l'apprivoiser, elle l'avait bien vu.
Elle passa la fenêtre du bel appartement du chef des vampires. Dans un même mouvement, Shalimar déposa le message sur la table basse, tandis qu'il fermait son roman. Elle voulut terminer sa course à la salle d'eau, mais la porte était fermée. Elle couina et Sofiane lui ouvrit en soupirant. Puis ayant pris le temps de ramasser sa robe, qui appartenait au vampire, en réalité, il laissa le vêtement sur le bord de la grande vasque. Enfin seule, elle se rafraîchit, sachant qu'ensuite elle devrait vite s'en aller. Puis elle le rejoignit au salon. Un thé fumant l'attendait sur la table basse. Étonnée elle s'en saisit en écoutant la lettre du jeune garçon.
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- Heureux de constater que tu revois les tiens, lut le vampire. Tu n'as pas l'air heureuse, Shalimar, malgré ce que tu essayes de me cacher. On voit que tu aimerais pouvoir te poser pour qu'on puisse se voir. Qu'est-ce qui t'en empêche exactement ? Je veux dire, pourquoi est-ce que tu ne peux pas trouver du travail pour avoir un logement ? (L'homme me lança un regard éloquent.) Bon je te laisse tranquille avec ça. La chauve-souris est drôlement sauvage, comment tu fais pour lui prendre le mot ? Comme nom je propose Shali, bien sûr, je préfère t'appeler Shalimar, ainsi vous n'aurez pas le même nom.
Sofiane lui-même sourit à l'idée qu'en fait c'était plutôt normal que la chauve-souris porte le nom de la vampire. Elle préférait cela. Il aurait pu lui demander d'être plus discrète.
- J'aime bien ton prince charmant, continua-t-il, comment est-il physiquement ? Il fait quoi dans la vie ? Il a quel âge ? Je garderai fidèlement ta liberté, je ne parlerai plus de toi, promis. A demain, Shalimar, j'espère sentir de nouveau ta présence près de moi. Quand est-ce que je te vois ? Bisous, sloan. Ce gosse est très, très têtu, sourit Sofiane en conclusion.
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- C'est le moins que l'on puisse dire.
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- Tu dois lui dire clairement qu'il ne te reverra pas, Shalimar. Pour lui et pour toi, sinon tu finiras par céder.
Elle se tut. Elle était incapable de faire ce qu'il lui demandait. L'effroi s'empara d'elle si vite qu'il la surprit elle-même.
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- Tu le feras dans la réponse. Et le gamin a raison, tu n'as pas l'air heureuse. Pourtant ce n'est pas faute d'essayer de le lui cacher, n'est-ce pas ?
Elle se mura dans un mutisme chargé de colère. Et puis quoi encore ? Pourtant elle avait été heureuse, avant de rencontrer l'enfant. Elle avait été heureuse aussi, le temps qu'elle et lui avaient passé ensemble. C'était la faute de Sofiane si elle était malheureuse aujourd'hui. Soudain elle se mit à le haïr du plus profond de son être. Elle baissa les yeux pour le lui cacher, mais il glissa un doigt sous son menton pour l'en empêcher.