Kiera paniquait, elle avait tout envisagé sauf la torture. Pourtant les faits étaient indéniables tout comme ce bac rempli du cruel liquide. L’homme semblait décidé à la plonger dedans. Où est la sortie ? Se demanda la louve en essayant de restaurer son calme, paniquer ne servait à rien, il fallait fuir mais la porte était devenue invisible ! Comment était-ce possible ? Des sueurs froides l’envahissaient,
Au fond de la salle Soren vit l’enfant perdu chercher désespérément du regard une issue, il mit quelques seconde à comprendre.
«Ne t’inquiète pas c’est de l’eau traitée, regarde.»
Sans hésiter il remonta la manche de son kimono et plongea la main dans la bassine. Pendant quelques secondes Kiera entendit le clapotement de l'onde puis il sortit son bras : il n’avait rien, aucune blessure. Cette eau était comme celle des fontaines publiques. Prudemment elle s’approcha et examina de plus prés le bras miraculé puis se pencha sur le liquide. Il semblait reposer au fond du récipient, avec méfiance elle avança à son tour sa main et le toucha du bout du doigt, aucune douleur. Ainsi il existait des gens assez riches pour se payer des bassines entières du précieux breuvage. Kiera leva les yeux vers l’homme, son regard était teinté de bienveillance et d’amusement, aucune agressivité n‘apparaissait. Elle se pencha un peu plus au dessus du baquet, mis ses mains en coupe et puisa l’eau, à la différence de celle des fontaines celle-ci était chaude.
«Non, attends.»
Kiera leva sur l’homme un regard interrogatif, avait-elle commis un impaire ?
«Ce n’est pas pour boire mais pour te laver. Si tu as soif je te ferais porter une coupe pour l’instant l’heure est aux ablutions et crois moi tu en as besoin, fit-il dans un rire. Comment faisais-tu pour boire dehors ?
- Les fontaines sont simples à trafiquer.
- Je vois cela explique beaucoup de choses»
Nombre de fontaines étaient tombées en panne ces derniers jours. Je vais devoir m’excuser auprès du fabriquant, se dit l’intendant dans un soupir. Il venait de le traiter d’incompétent, plus de treize machines qui ne fonctionnaient plus en à peine dix jours, cela ressemblait fortement à de la négligence.
« Tu as besoin d’aide pour te déshabiller ?»
Le regard que lança Kiera était limpide, elle savait se débrouiller. J’ai perdu la main avec les enfants, songea le vieil homme, soudain l’image d’une fillette l’assaillit : Sarah. Des rires d’enfant éclatèrent à ses oreilles alors que les larmes lui montaient aux yeux. Quand allait-il faire son deuil ? Voila des années que sa chère fille avait été emportée, et pourtant elle était là, pesant sur lui tel une mélopée, sa voix, son odeur, sa joie de vivre, tout n’était plus qu’une malédiction. Il n’était plus qu’un homme damné par ses souvenirs. Inconsciente du trouble de l‘intendant, Kiera enlevait peu à peu ses vêtements les répartissant allégrement à travers la pièce. Enfin nue elle se glissa dans l’eau, délicieux, se dit elle alors que l’onde l’entourait. Elle savoura l’instant puis se reprit, elle était en terrain ennemi, elle ne devait pas relâcher sa vigilance. Son regard se posa de nouveau sur l’homme qui essuyait ses joues, elle avait du l’éclabousser.
«Tu es déjà dans l’eau, c’est bien.»
Soren avait la voix était étranglée, pour cacher son trouble il se tourna vivement vers le robot laveur.
«Écorce d’Arren, ordonna-t-il et ne lésine pas sur le savon !»
Le robot obéit. Cet intermède avait permis au vieil de chasser son fantôme, pas pour longtemps certes, mais suffisamment pour s’occuper des vivants.
«Alors, fit-il en se tournant vers Kiera, c’est…»
Sa voix mourut sur ces mots, Soren resta muet. Ses oreilles ne captaient plus aucun son, son monde s’était enfermé sur lui, sur lui et sur l’orphelin, sur cet enfant, sur cette… fillette !