Kiera dérivait parmi ses souvenirs, elle s’était perdue dans son passé. « Je délire » parvint-elle a penser douloureusement sans pour autant pouvoir y remédier, alors elle se laissa sombrer. Guidée par Chac, le dieu des mal portants, elle erra de scène en scène revisitant sa mémoire. Puis le voyage s’estompa doucement pour laisser place à la douleur, une douleur profonde qui envahit tout son être, Kiera gémit et Naël s’inquiéta. Heureusement cela ne dura pas longtemps, bientôt la coquille de souffrance se brisa et la louve fut enfin lucide. Quand elle ouvrit les yeux elle découvrit un lieu qu’elle ne connaissait pas. Une chambre déduit-elle, et une chambre de garçon c’était indéniable. En face du lit une console dernière génération accompagnée d’une myriade de jeux, des jeux de combat, d’aventure… bref des jeux d’homme. Sur les murs la couleur bleu rappelait l’enfance, ils formaient un cocon protecteurs, un coussin d’ouate. Leur sérénité n’était troublée que par quelques tableaux dispersés de ci de là au grès d’une imagination fantaisiste. Les affiches de films côtoyaient les photos de voitures terrestres et personne ne semblait s’en plaindre. Quelques maquettes étalées comme un trophée révélaient que l’enfant devait être plus manuel que cérébral, pas un livre n’ornait cette chambre. Finissant son examen Kiera vit enfin Naël, il était de dos, penché sur le petit bureau d’écolier. Brusquement il se tourna une seringue dans les mains. Elle laissa échapper un cri de surprise, il sursauta, puis chacun se fixa étonné de se trouver l’un l’autre.

«Tu es enfin réveillée. Tu nous as fait peur tu sais. Puis il se reprit, tu m’as fait peur.

- Je suis désolée, que s’est-il passé ?

- Je ne sais pas. Je suis parti et quand je suis revenu je t’ai trouvé à terre.

La dispute ! Il l’avait accusé à tord, elle devait lui dire, lui faire comprendre pourquoi elle a fuit. Elle essaya de se relever, la tête lui tournait mais ce n’était pas grave, elle tenta à nouveau. Voyant son agitation Naël lui ordonna de se calmer, il s’assit près du lit en lui tendant ses médicaments puis dit :

- Nous devons discuter, mais avant je veux que tu prennes ces pilules. Elle obéit sans broncher. Ça va ? Comment te sens-tu ?

- Bien, enfin assez bien pour tenir une conversation. Il faut que je te dise…

Il plaça sa main sur sa jambe pour couper court à son élan.

- C’est moi qui mène les interrogatoires d’habitude, fit-il dans un sourire. Je veux que tu te ménages, alors je vais poser les questions et tu vas me répondre.

- Mais tu n’as pas encore tous tes souvenirs ! Comment veux tu mener une enquête sans ces informations ? Et puis ce n’est pas une enquête berka !

- Tu vois tu t’emportes à nouveau, calme toi où la fièvre va te reprendre.

Naël avait raison, Kiera sentait son mal de tête empirer, elle hésita quelques secondes entre la lutte et la réédition et opta pour la seconde solution, elle se tut donc.

- Bien, ça m’aurait gêné d’avoir à te l’ordonner. Je sais ce qui s’est passé entre nous. Notre mariage dans l’auberge du loup égaré, les vies où je t’ai repoussée et celles où je t’ai attendue. Le mal qu’on s’est fait est partagé, peut être pourrions nous laisser les vielles rancœurs derrière nous et avancer ?

Kiera l’observa étonnée, où était la fureur, la haine qui l’habitait ? Puis elle découvrit que ces sentiments chez elle aussi avaient fondu. Que s’est-il passé ? Quand ai-je pardonné et comment ai-je pu pardonné ? Ces émotions avaient guidé toutes ses vies lui commandant de partir, de quitter ceux qu’elle aimait juste par peur de lui faire face. Et aujourd’hui de tout cela il ne restait rien.

- D’accord, dit-elle écœurée par ce gâchis.

Combien de bonheur avait-elle saboté pour rien ?

- Parfait, j’ai juste une requête à formuler. Lorsque je mourrais et que mon âme renaîtra à tes cotés pourrais-tu m’expliquer notre lien ? Après nous aviserons, le fait que je saches que tu es mon épouse ne signifie pas que je voudrais t’encombrer, mais j’aimerais au moins avoir le choix.

Sombre Kiera opina.

- Qui es-tu ?

Les crocs de la justice 131