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26 décembre 2013 4 26 /12 /décembre /2013 20:11
  • - Tu me remercies ? Tu viens de comprendre que ta vie est vide, que tu vis pour le travail, et tu en es heureuse, mère ?

  • - Non, me défendis-je. Kiara, je ne suis pas une poupée de cire, j'ai des obligations, je n'ai pas tellement le choix !

muhette-pleure-dehors.jpgJ'avais toujours eu le sentiment d'avoir une vie heureuse. Je me défendis d'en vouloir à ma fille de m'avoir fait sortir de ma prison dorée. Je me demandai simplement comment j'avais pu en arriver à ne pas m'apercevoir de son existence.

  • - Ce n'est pas comme si ça allait s'arrêter un jour et que tu pourrais profiter ensuite, mère. Quand notre peuple aura terminé avec ce côté de l'océan, il passera au reste de la planète.

Je souris intérieurement, ma fille avait une vision de la Terre assez simpliste, ce qui était bien normal. Les Xivians ne connaissant pas cette planète, ce qu'ils enseignaient aux enfants était profondément incomplet. Or je ne l'avais jamais ennuyée avec la géographie, matière qu'elle détestait.

  • - D'après ce que tu as dit cela va prendre des centaines d'années.

  • - Tu y vas fort, Kiara !

  • - En dix-sept ans regarde où nous en sommes !

Elle avait raison, compris-je brusquement. La colonisation étai incroyablement longue car tout était négocié avec moi, j'étais la seule à savoir ce qui pouvait être rasé ou non, ce qu'on pouvait planter et de quelle façon, l'agriculture avançait à son rythme, et imposait elle aussi un grande lenteur : il ne fallait pas trop s'éloigner des champs conquis, parce que les troupeaux ne pouvaient pas trop être divisés, ils étaient encore trop petits.

  • - Tu as raison, avouai-je.

  • - Tu es prête à remettre ta vie de couple et tes autres plaisirs à aussi longtemps ? Qu'est-ce que tu aimes faire quand tu ne travailles pas ?

Je compris avec effroi qu'elle n'en savait réellement rien. Ma propre fille !

  • - J'aime les animaux. J'aimais lire, mais voilà une éternité que je ne l'ai pas fait, c'est vrai, Kiara. J'adore me baigner. Ma vision du paradis, c'était un bon livre au bord de l'océan.

Toute forme d'animosité avait quitté ma fille.

  • - C'est pour cela que je nous ai amenées au bord de l'eau, fis-je.

Elle ne répondit pas. Je sentais qu'elle hésitait sur l'attitude à adopter. Comme je l'avais fait vis-à-vis de Vulcan, plus tôt ce jour-là.

  • - Je vais changer ça, promis-je.

  • - Vraiment ? Tu répondras non aux agriculteurs pour la prochaine expédition que tu es en train de rater ?

Je ne pouvais pas. Je m'ébrouai, nerveuse au possible. Pour me calmer, je regardai les vagues. Quand pourrais-je, comme autrefois, m'y ébattre et retourner sur le sable chaud pour dévorer une histoire d'amour?

  • Je me donnerai deux jours et deux nuits. Entre chaque expédition. C'est ainsi que faisaient les terriens. On appelait cela des week-ends. Je ferai en sorte qu'on l'accord à tous les xivians.

  • - Les xivians ne travaillent jamais le matin, me rappela-t-elle. Et ils chôment dix jours une fois par tranche de deux lunes.

  • - Je m'ébrouai. Je le savais, mais je n'avais simplement jamais cherché à adopter leur rythme.

  • - Tu as raison, articulai-je. Je vais respecter ce rythme.

Je m'aperçus que j'avais le hoquet. J'étouffais. Je respirai profondément, par larges goulées. J'avançai jusqu'à l'eau, puis commençai à marcher au bord.

-  Voilà des années que je me creuse la tête pour savoir ce qui ne va pas chez toi, avoua-t-elle, tandis que toi, tu t'accroches à l'idée que tu es heureuse ainsi, sans jamais laisser à quiconque l'occasion de t'écouter. Ça fait tellement de bien que tu acceptes cette discussion!

  • - Merci, Kiara.

Je laissai un silence réparateur demeurer entre nous.

  • - Je vais changer les choses, repris-je, sereine. J'en fais le serment devant nous deux, Kiara.

  • - Tu le feras? Insista-t-elle. Une fois retournée au milieu du tourbillon dans lequel on t'enferme sans te voir, tu sauras dire que c'est assez ?

  • - Je me ménagerai de plus longues pauses entre les expéditions, je veillerai à ce qu'elles soient assez longues pour avoir le temps et la force de m'occuper de vous et de moi.

  • - Je sens que tu es sincère. J'espère que tu ne fléchiras pas le moment venu, mère.

 Elle avait raison, bien sûr, ce serait difficile. Prendre du temps libre serait peut-être un pur ravissement auquel je prendrais goût. Mais peut-être pas. Cela me permettrait de penser davantage, de prendre du recul sur moi-même. J'avais depuis des années choisi d'accueillir la prophétie, sans remettre en cause son bien fondé. J'avais accepté de renier mon peuple. J'avais fait alliance avec ses meurtriers. J'avais aimé avant Xivia, des êtres magnifiques, dont j'avais renié la mémoire. Un voile de désespoir tomba sur moi, qui me laissa l'impression d'être une créature dégoûtante. Kiara s'agita à mon esprit, comme si, sans pouvoir en identifier la source, elle avait senti le malaise qui m'avait assaillie. Penser à elle me redonna quelque espoir.

 

  • - Tu m'aideras ? La questionnai-je ainsi.

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commentaires

L
belle évolution. Mais personne de se dit que éventuellement s'abrutir de travil est également une façon de ne pas avoir à penser aux souvenirs, aux êtres chers qu'elle a perdu. Au fait qu'elle ne<br /> devrait pas aimer tant les xivians...
Répondre
C
<br /> <br /> bonne idée ! Merci. Dur d'avoir soi-même du recul sur ce qu'on écrit. J'ai rajouté un passage en ce sens dans l'extrait 170.<br /> <br /> <br /> <br />

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