- C’est bien toi que m’as reproché hier d’avoir arrêté tes cours d’anglais, devant ce plébiscite pour ma méthode on s’y remet. Alors écoute moi, je vais parler lentement, demande moi tous les mots que tu ne saisis pas.
- Of course ! et au bout de dix mots tu n’auras plus de patience. Je ne suis pas en état de combattre padre, surtout contre toi. Et j’en n’ai pas envie, je suis lasse.
Je le regardai, impuissante à réduire notre mal aise. Doucement il reprit son discours en anglais. Dès la première phrase, il y avait une myriade de mots que je ne déchiffrais pas. Je gémis :
- Qu'y a-t-il ?
- On ne va jamais y arriver !
- Alors abandonne, mais ne viens pas me reprocher ton échec !
Il se levait et allait quitter la salle quand je lui dis
- Ça veut dire quoi… ?
Nouveau soupir, il reprit place et me traduisit les mots. Il répondait à ma première question sur lui. Qui est Dieu. Il me parla pendant une heure, traduisant patiemment les mots que je lui demandais. Peu à peu je comprenais mieux l’homme qui me faisait face. Pour lui Dieu était un sauveur car c’étaient les moines qui l’avaient recueilli, j'appris ainsi qu'il était orphelin. C’était un pont entre les hommes, c’était lui qui lui donnait un statut et grâce à lui il avait la confiance des gens, ils se confiaient et il pouvait les soigner. J’appris au passage que le jour de l’agression il était en train de consoler une femme qui avait fait une fausse couche quand je lui avais téléphoné. Elle avait perdu la foi et il avait réussi à lui rendre de l’espoir. Grâce à Dieu il pouvait être utile, il avait trouvé une raison d’être. Dieu était aussi une force qui faisait qu’il n’était jamais seul et qu’il n’avait pas peur d’avancer dans la vie. Pendant plus d’une heure il me parla de tout cela mais quitta la chambre sans que le malaise entre nous se soit apaisé.
Le lendemain j’appris qu’il était rentré dans les Hell Angel pour le réseau que le gang permettait, grâce à lui il pouvait réinsérer certaines âmes qui sinon auraient été perdues. Il leur trouvait un emploi, une famille et les intégrait dans d'autres milieux que ceux desquels ils étaient issus. Certes ce n’était pas le milieu idéal mais c’était mieux que rien et c’était un bon tremplin. Le gang payait des études aux plus intelligents afin d’avoir des avocats, juges, architectes, et autres dévoués. Ça devait être comme ça que le rouquin avait fait ses études de droit pensai-je. Peu à peu il se découvrait mais il laissait toujours une barrière entre nous. On n’arrivait pas à se trouver.

Divin témoin 42