Il me regarda puis s’en alla sans dire un mot. Je ne suis pas tellement avancée. Je vais surveiller cette fille, même si je pense que c’est ma jalousie qui m’entraîne. Je verrais bien. Cependant cette menace planait au dessus de moi tel nuage noir empêchant toute concentration. J’arrivai de mieux en mieux à prendre mes cours, cependant si la langue ne me faisait plus obstacle, mon esprit avait prit le relais (on a toujours de bonnes raisons de ne pas travailler). Discrètement j’épiai Mélodie, rien de suspect ne transparaissait, toutes ses absences injustifiées au final se justifiaient. Son comportement était celui d’une fille amoureuse. Et en guise de bonne volonté elle avait même déserté la chambre d’Erwan pour emménager dans celle de Célian, c'était hautement suspect à mon sens! Je la voyais le soir, lorsqu’elle prenait ses repas avec nous, mais je dois bien avouer que je ne sais par quel miracle elle se faisait discrète. La vie reprenait son allure paisible si ce n’est cette impression et cette aura qui ne cessait de rougir sauf faute de ma part. Juste en lisant ces quelques lignes je pense que vous avez cerné le problème, je suis perdue. Peut être j’aime juste me créer des complications. Il était clair que je n'étais pas en état pour subir un cours en droit du divorce, que faire ? Soit j'y assiste malgré tout, soit je rentre barboter dans la piscine. Trente minutes de bus plus tard j’étais en sous vêtement parée à nager (je n’avais toujours pas acheté de maillot). Cette fois je ferais attention à ne pas me faire prendre, me jurai-je. Dans une immense joie je plongeai arrosant allégrement les contours du bassin. De temps en temps je regardai le ciel pour estimer l’heure. J’avais le temps, il n’était que trois heures lorsque j’étais entrée dans l’eau. Je fis quelques longueurs, jouai avec l'onde, repensai à Trist et ses leçons de natation. Bref je passai un bon moment (certainement meilleur que ceux qui affrontaient en ce moment la dissolution du régime matrimonial). Mon dernier coup d’œil à l’horloge m’informa que j’avais juste le temps de faire deux ou trois longueurs avant de devoir sortir. Mon regard se porta alors sur un verre abandonné près de la piscine. Parfait, j’avais soif. Une fois désaltérée je partis dans un marathon. Et voila Mia qui s’élance, quel manifique plongeon, la foule est en délire (si, si je vous jure la natation peut déclancher la ferveur. Surtout lorsque c’est moi qui nage, d’accord surtout quand c’est beau qui nage mais là ce n’est plus son style inimitable qui déclanche les passions.) Enfin, ou en étais-je ? Ha oui, la foule enthousiaste saluait mes performances. Je me lançai dans la course et battit tout mes records. Incroyable, j’entendais d’ici les cris des spectateurs (mais il n’y avais personne, quelque chose n'allait pas) en moins d’une minute  elle accomplit 100 mètres, lança le commentateur extatique. Je sais, je sais, je n’aime pas me vanter. Toutefois là j’ai du trop forcer car je me sens pas bien, encore une longueur pour mon public et j‘arrête. Seulement il n’y a pas de fan, je rêve. Je n'en n’avais pas fait la moitié que ça s’empirais. Une sorte de léthargie s’emparait de moi, il fallait que sorte. Je voyais la rive et j’essayais désespérément de m’en approcher, mais je n’y parvenais pas. L’eau semblait peser sur moi comme pour m’écraser. Pourquoi personne ne réagissait ? Car personne n’était là, j'étais en train de m’endormir. Ce n’est pas possible ! Comment pourrais-je m’endormir au milieu d'une piscine ? Ce n’est pas l’endroit le plus confortable pour piquer un somme ! Seulement je ne percevais aucune autre explication. Dans un sursaut de volonté je remontai, arrivée à l’air libre je respirai intensément et repris ma nage. Je ne dois pas fermer les yeux, je ne dois pas fermer les yeux… me répétais-je inlassablement mais je sentais bien que je coulais, j’avais trop sommeil, tant pis. Soudain je perçus deux bras autour de moi. Quelqu’un me propulsa vers le haut. Je sentis de nouveau l’eau passer sur mon corps tandis que mon sauveur hurlait :
- Beau !
Je suis par terre. J’essaye de dire quelque chose mais mes lèvres pèsent une tonne.
- Je ne rêve pas, elle dort !

Divin témoin 95