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- Qu'est ce qu'il était venu faire, questionnai-je ?
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- Me donner de quoi me laver les dents. Il l'a fait sans rien dire et il a disparu de nouveau, le visage fermé. Tant que j'étais là je me suis dit que j'allais me rendre utile. J'ai vidé l'eau chaude dans le bidet et à l'eau froide j'ai eu raison du sang assez simplement. J'ai étendu tout ça et j'ai regardé dépitée ma mine exténuée dans le miroir. Maintenant je n'avais plus aucun espoir d'être jolie ce soir, alors j'ai juste remis de l'ordre dans mes cheveux et je suis allée me préparer ce fameux thé. J'en ai fait deux tasses et j'ai frappé à la porte de sa chambre. Je pouvais toujours courir pour qu'il vienne m'ouvrir. Mais la porte n'était pas fermée à clef. Je l'ai appris à mes dépens. Je m'y suis appuyée, épuisée de ma journée, avec l'intention de me remettre à frapper dès que mes poings cesseraient de me faire mal. La porte s'est ouverte toute seule. Je me suis étalée de tout mon long dans la chambre. Je crois l'avoir entendu glousser. Ce qui ne m'a pas empêchée de me mettre à pleurer comme une gamine. J'avais passé une journée affreuse, je me sentais fatiguée donc déprimée.
Prince émit un son de gorge, serrant les mâchoires, mais je le trouvai différent de la veille à propos de cette histoire étrange. De manière générale, elle était pour moi comme un conte à l'intérieur d'un conte. Loin de la Terre, entourée de créatures qui n'étaient pas censées exister, j'avais du mal à croire à un danger qui menacerait Yule. Lui appartenait à ce monde-ci, mais l'histoire de sa presque sœur lui semblait peut-être s'éloigner peu à peu de la réalité à lui aussi. Peut-être même que sa propre vie lui semblait proche du rêve, à elle aussi, parce que d'après ce que j'avais compris les elfes n'étaient pas coutumier de telles attitudes. Dans son regard songeur à lui, je crus voir comme un mépris pour le bel Adam. Comme si Prince eût préféré l'idée qu'il fût réellement dangereux à l'évidence qui naissait peu à peu sous nos yeux : nous ignorions à quoi jouait le joli blond, mais s'il avait voulu du mal à Yule, à présent qu'elle touchait son secret du doigt pour le moins clairement, elle n'aurait pas été là pour nous le raconter, s'il avait été... une créature à sa hauteur à lui. Sortant de sa rêverie, elle prit une longue inspiration, puis reprit en lissant une longue mèche brune de ses doigts aux ongles ronds.
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- Ce n'est qu'après plusieurs secondes et plusieurs larmes silencieuses que j'ai réalisé que j'avais mal. Le thé était brûlant et je me l'étais renversé dessus. Maintenant cela me brûlait affreusement ; j'ai couru à la salle d'eau pour prendre une douche froide. Là je me suis enfin sentie bien. Après j'ai rincé et étendu ma robe, j'ai attrapé une serviette blanche, je me suis enroulée dedans, puis je me suis laissée glisser contre la baignoire. Juste quelques secondes, pour me reposer un peu, pensais-je. Je me suis endormie là. J'ai bien senti dans mon sommeil qu'on me portait mais je suis bien vite retombée dans l'inconscience.
Je commençais à me demander si tout ce romanesque n'était pas tout simplement une caractéristique elfique. Après quelques secondes de réflexion, je décidai que c'était cela. Si Prince paraissait toujours aussi détendu, ce ne pouvait être que pour cela. Je décidai d'apprécier la récréation, car dans son regard doré, je lus qu'il n'y en aurait plus de nombreux après celui-ci.
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- Il t'a allongée sur le canapé ? Tenta-t-il sur le ton de la camaraderie fraternelle.
Celui-là même qui me faisait toujours me sentir tellement seule. Mais cette fois cela me laissa indemne. Elle fit non de la tête avant d'enchainer :
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- Je me suis réveillée à cause de la sonnerie qui tentait d'indiquer que c'était l'heure de se lever. J'ai tendu le bras pour éteindre cet engin de malheur mais un bras est apparu devant moi et l'a fait en premier. Silencieuse j'ai réalisé qu'un torse musclé était plaqué contre mon dos, qu'un autre bras ceinturait ma taille et qu'une jambe reposait entre les miennes, lesquelles la retenaient comme si j'avais eu peur dans mon sommeil qu'Adam ne disparaisse. Je sentais son souffle dans mon dos. Quand je m'en suis rendue compte j'ai un un long frisson. Son souffle était précipité. D'une toute petite voix je n'ai pas pu m'empêcher de lui demander si ça allait. Il a répondu plutôt bien, oui. J'ai voulu me retourner pour l'embrasser mais lorsque je me suis retrouvée du bon côté il était déjà debout. Il quittait la pièce. J'ai attendu qu'il revienne pour prendre sa suite à la salle d'eau. Bref nous nous sommes préparés, puis nous sommes allés au palais. Un peu tremblante je suis arrivée dans son bureau mon ordinateur sous le bras. Il m'a adressé un regard rieur et s'est replongé dans son travail. Nous avons donc travaillé face à face toute la journée. Oh j'ai parlé au directoire de vos plans. Ils sont ravis. Ils vont contacter les gnomes en les prévenant qu'avant toute chose vous allez faire le tour des autres peuples pour les tenir au courant. Nous attendrons donc votre retour pour fixer le rendez-vous final. En attendant le directoire et les gnomes – si cela leur convient bien sûr - prépareront potion et formule.