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Le destin des immortels - nouvelle publication
- Tu verras, la soie n'a jamais mangé personne, murmura-t-il d'un ton léger.
Elle éclata d'un rire nerveux et il tira les draps pour elle avec un demi sourire. Il se pencha pour attraper ses jambes et les placer sur le lit, mais par réflexe, elle hurla et se retrouva à l'autre bout de la pièce. Il lui sembla vaguement qu'elle avait parcouru le chemin à quatre pattes. Elle se sentit sale d'avoir ainsi laissé parler ses instincts d'animal.
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- Ah oui, je commence à comprendre, sourit-il. Écoute, je vais lire un moment.
Il fut aussitôt debout et quitta la pièce en fermant la porte. Maintenant elle était seule dans la pièce. La panique la quittait par vagues, cela la grisait presque. Soudain elle se glissa sous les draps avec délices, comme s'il ne s'était rien passé et qu'elle y serait toujours seule. Pourtant elle ne put pas s'endormir tant qu'il n'eut pas poussé la porte, terrorisée par la certitude qu'il reviendrait se coucher contre elle. Régulièrement, une crise de tremblements la saisissait, qu'elle maîtrisait aussitôt. Lorsque la poignée s'enclencha, la peur la suffoqua. Elle tenta de se raccrocher à l'idée qu'il l'avait déjà touchée plusieurs fois et qu'elle n'avait jamais eu peur. Mais là elle était dans son lit.
- Il est bien, ton livre ? Fit-elle d'une voix piteuse.
Si elle ne parlait pas elle allait partir en courant.
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- Très. Un thriller. Je crois que le tueur est l'ancien amant.
Elle poussa un soupir silencieux. Il jouait le jeu. Sa voix était traînante, grave, rassurante. Un être humain n'y aurait pas décelé les mêmes sonorités. Mais les vampires entre eux avaient d'autres codes.
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- Quelles sont les autres possibilités ? Le questionna-t-elle.
Il lui raconta son roman et dès la seconde phrase il se glissa entre les draps de soie tandis qu'elle sentait l'épuisement s'abattre sur elle. Cela signifiait que la panique l'avait quittée et pour cause : le lit était immense, il s'était étendu loin d'elle. A la fin elle déclara :
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- A mon avis le chien est un lycan et c'est lui qui a tué sa maîtresse.
Il éclata d'un grand rire. Mue par un courage issu de cette victoire, elle forma la requête qui lui tenait à cœur :
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- Est-ce que je peux mettre le réveil pour pouvoir voir Sloan demain, Sofiane ?
Alors que jusque-là il lui avait parlé en souriant au plafond, à cet instant il se tourna entièrement vers elle. Cela lui donna de nouveau envie de sortir en courant.
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- Tout dépend. Je viens avec toi donc je refuse que tu partes avant quinze heures. Je t'écoute, conclut il en attrapant le réveil.
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- Quatorze heures, je suppose que tu n'accepteras pas plus tôt ?
Il hocha la tête et régla l'appareil.
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- Tu travailles ? Demanda-t-elle parce qu'elle n'était pas prête à affronter le silence.
Il secoua la tête dans les oreillers, où ses longues mèches blanches paraissaient aussi douces que la soie des draps autour d'eux.
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- Je prends une année sabbatique tous les dix ans. Celle-ci s'achèvera dans quatre mois et quelque.
Elle continua de le fixer, mais il ne parla plus. Ses yeux couleur métal luisaient dans le noir comme ceux d'un chat dangereux. Pendant un long moment elle crut qu'aucun d'eux ne pourrait s'endormir. Pourtant elle dut sombrer car elle s'éveilla en sursaut lorsque l'on glissa sur elle. Elle gronda et Sofiane sursauta. Elle comprit qu'il avait voulu l'enlacer dans son sommeil.
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- Qu'est-ce qu'il y a ? Questionna-t-il, sur le qui-vive.
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- Désolée, Sofiane, j'ai fait un mauvais rêve, mentit-elle.
Encore mal réveillée elle ignorait si elle pouvait ou non se permettre de lui avouer qu'il lui avait fait peur. Il la fixa puis une lueur différente traversa son regard acier.
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- Je t'ai fait peur ? Questionna-t-il d'un ton bourru.