Le destin des immortels - nouvelle publication
Un silence s'apesantit. Elle réalisa qu'elle devait se ressaisir.
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- Avons-nous déjà Internet, pour éplucher les offres d'emploi? Interrogea-t-elle en tâchant de donner quelque assurance à sa voix en dépit des circonstances.
Un seul coup d'oeil à son chef de meute lui apprit qu'elle n'avait convaincu personne. Sloan secoua la tête, en signe que ce n'était pas le cas.
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- Va te laver, ordonna l'immortel. Nous allons prendre l'air, ça paraît s'imposer. Action, ajouta calmement le vampire.
Elle hocha la tête. Sloan la suivit, ce dont elle voulut le dissuader, mais il parla en premier :
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- C'est moi qui ai commandé ton début de garde robe, je voudrais voir l'effet en direct, expliqua-t-il.
Elle lui sourit, déjà plus détendue. Les vêtements étaient tels qu'elle les appréciait : fluides, coquins sans être abusifs, originaux, élégants. Elle serra le jeune homme dans ses bras. Il tremblait un peu. Levant le nez pour le regarder dans les yeux, elle tomba sur un brasier attisé par l'attente. Les deux mains appuyées à l'armoire derrière elle, elles lui laissaient assez d'espace pour ne pas avoir peur. Son corps tout entier appela subitement le brun ténébreux, dont la beauté d'humain l'avait émue depuis qu'il l'avait retrouvée. Pourtant il ne s'approchait pas davantage. Avec des mouvements dénués de toute fluidité, elle posa les mains sur son visage. Ensuite elles glissèrent dans ses cheveux et son dos, faisant un détour à cause de ses bras appuyés derrière elle. Enfin ses lèvres effleurèrent celles de Shalimar, ouvrant des vannes insoupçonnées. Son baiser fut effréné. Mordant et embrassant, Sloan était tout entier concentré dans ce geste d'amour éperdu et soudain débridé. Elle lui enleva ce qu'il portait frénétiquement, tandis qu'il l'imitait, rapide, efficace. Il descendit alors qu'appuyée à l'armoire, nul lien n'était là pour effrayer la vampire. Ses mains se posaient sur elle sans saisir sa peau. Aussi son esprit libéra-t-il son amour pour cet homme, qui insufflait la vie, là où elle était morte. Il poussa ses jambes afin qu'elle les écarte. Elle s'exécuta sans se poser de questions. Ses mains à lui prirent un chemin très intime ; ce qu'il fit ensuite la laissa pantelante. Il la suivit lorsqu'elle se laissa glisser au sol. Alors elle lui adressa un regard d'une profondeur qui le fit frissonner.
Il hésita, mais si succinctement qu'une humaine n'en aurait rien su. Il la coucha avec des gestes légers qui tenaient tout de l'invitation, qui n'avaient rien à voir avec l'autorité qui aurait glacé son plaisir à elle. Les mains de la vampire se refermèrent sur la peau de Sloan, tandis que les siennes s'agrippaient au tapis moelleux. Mais alors qu'un simple mouvement les séparait désormais, rien ne se passa.
Shalimar rouvrit les yeux pour le trouver interrogateur. Alors un océan dévala les pensées de la créature sans vie. Est-ce que cet acte serait interprété comme un choix, une promesse ? Soudain elle n'était plus sûre de rien. Elle l'accompagna alors qu'il s'échouait près d'elle. Il avait trouvé une réponse dans son regard pourtant très confus. Atterrée elle l'écouta la détromper aussitôt :
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- Sache que je ne te demanderai jamais de choisir. Je n'ai pas la prétention de pouvoir t'enfermer avec moi. Tout d'abord, tu en as une peur phobique, que je respecterai. Ensuite, je suis humain et que je compte le rester. Je sais que plus tard, très bientôt à l'échelle de ta propre vie, je serai vieux et laid. Je ne veux surtout pas que tu te retrouves à regarder mes rides en te demandant pourquoi tu es à mes côtés alors que l'homme que tu aimais avait un corps sculpté, la peau lisse et des cheveux bien noirs. Pas si tu restes aussi belle qu'aujourd'hui. Aussi belle que tu l'as toujours été et le resteras à jamais.
A présent, aucun désir n'habitait plus la vampire. Ne restait que la déception du corps, qui lui-même s'effaçait derrière ses interrogations. Il avait raison de désirer conserver sa nature, mais comment pouvait-il le savoir? Des images de leur périple lui revinrent à l'esprit. Le sang versé par la meute, ainsi qu'elle-même buvant celui, presque froid, d'un humain à l'article de la mort, avaient évidemment choqué le jeune homme. Puis d'autres souvenirs l'assaillirent, à peine plus anciens, datant de cette fois-là, où elle avait obligé Sofiane à arrêter le véhicule pour mordre n'importe qui. Elle revit ses traits chargés de dégoût, qu'elle ne lui avait jamais connus en d'autres circonstances. Elle se demanda si elle devait regretter ce qu'elle avait fait. Elle savait que ce n'était pas le cas. L'espèce vampirique ne devait pas s'étendre, puisqu'elle avait besoin des humains pour survivre et que n'étant pas censés périr, ses membres étaient voués à étancher leur propre garde-manger, tellement plus fragile. Aussi existait-il une loi, passible des pires châtiments, selon laquelle faire le don nécessitait une raison exceptionnelle.