Cette fois elle ne lui laissa pas le temps d’ajouter une parole.
Une heure plus tard on frappait à la porte. Soren fit entrer un femme d’âge mur, aussi ridée que son regard était sage.
« An ?
- Non, Anna, combien de fois je te l’ai dit ! Lumière ! Aussitôt une vive lumière descendit du plafond. Toi et tes bougies, fit-elle en levant les yeux au ciel.
- Elles rendent la vie plus douce.
- Je n’ai pas de temps à perdre, explique toi !
- Passons dans mon bureau si tu veux bien.
- Tu es toujours aussi méfiant.
- J’en ai trop vu pour ne pas l’être.»
Anna allait répliquer mais aucun mot ne sortit de sa bouche, finalement elle aussi en avait trop vu. Le trajet fut silencieux, le passé pesait sur les deux êtres, Anna dévorait des yeux ce châteaux qu’elle avait parcouru avant. Ils devront passer devant sa chambre pour arriver au bureau, se souvient-elle. Encore un tournant, quelques pas et voila la porte tant redoutée, elle ne put s’empêcher de s’arrêter pour poser la main sur la lourde fermeture en chêne.
«Je n’ai jamais compris pourquoi tu avais mis une porte si lourde à une chambre d’enfant.
- En prévision de l’avenir, une porte trop lourde à pousser fait prendre conscience du poids de ses responsabilités, les secondes passées à l‘ouvrir sont des secondes gagnées en réflexions. Cela valait pour elle et ses amants, on n’entre pas facilement en ce lieu.
- Toi et tes idées loufoques.
- Et puis c’était un trésor qu’elle gardait, murmura le vieil homme. Tu veux entrer ? Je l’ai laissée en état.
- Non.»
Aucun des deux ne prononça le nom de l’enfant qui avait jadis habitée cette pièce, comme une malédiction ils ne formulaient jamais ce nom entre eux.
«Nous voici dans le dernier lieu qui résiste à la technologie, déclara la vieille femme en entrant dans le bureau, maintenant vas tu t’expliquer que je puisse partir d’ici.
- Veux-tu un verre ?
- Cesse ça ! Me trouver ici me déchire le cœur, alors parle ! Parle maintenant ou je pars, cette mascarade a assez durée !
- Je ne te dirais donc pas de t'assoir et je serais direct. Je viens de recueillir une fillette, elle a des dons impressionnants. An tu dois me croire elle est extraordinaire ! cria-t-il enthousiaste.
La femme en face resta de marbre.
- Je l’ai vu lancer un sort d’aveuglement et un AL’mec !
- Que des sorts mineurs, je pourrais le faire.
- Oui, mais pas à dix ans.
Une grimace traça son chemin sur le visage de la jeune femme cependant elle fut vite effacée.
- Peut être.
- Je ne t’ai pas dit le plus surprenant : c’est une louve.
- Une louve ? Je pensais que tu avais adopté un enfant ! Si tu m’as fait venir pour me parler de ton animal espèce de vieillard sénile mon courroux sera sans précédent ! J’en ai ass…
- C’est un loup garou.
Un silence accueillit ces propos.
- Mais c’est imposs…
- Je l’ai vu se transformer, la coupa-t-il une nouvelle fois.»
Anna essayait de maintenir une apparence calme, mais son esprit bouillonnait, nonchalamment elle rejoignit le confortable fauteuil, ses jambes se dérobaient. Une fille loup garou, si c’était vrai alors ça changeait tout.
«Tu as gagné, je vais rester vérifier tes dires, ensuite j’aviserai. Maintenant je veux bien un verre.»
Un sourire victorieux se dessinait dans les yeux de l’intendant, surtout pas sur ses lèvres, l’homme était bien trop diplomate pour commettre cette erreur. Même intéressée Anna pouvait partir et l’abandonner si sa fierté était froissée. Dans quelle galère je m’embarque, se demanda-t-il. Je suis trop vieux, bien trop vieux pour cela.
Le lendemain à le première heure les deux complices d’antan se retrouvèrent devant une porte en bois.
«Elle est lourde celle-ci aussi ? Demanda une jeune femme à l’accent du royaume du sud.
- Non, elle ne garde rien.
- Entrons.
Sur ce mot elle poussa la porte pour découvrir une chambre vide.