Une fois au chaud ils dévoilèrent le contenu du sac devant les yeux du vampire et de Dries qui s’étaient éveillés. Il ne contenait rien d’étonnant, la carte d’identité de la victime, un rouge à lèvre bordeaux, un poudrier qui faisait téléphone, et un portefeuille muni d’une carte multi-cartes de fidélité, un peu de monnaie et les photos d’une vie fanée. Naël remis le sachet contenant l’ongle à Dries.

« Tu analyseras cela, nous pensons que c’est un ongle de la victime, cherche s’il n’y a pas un autre ADN. As-tu eu le temps de visionner les enregistrements ?

- Oui et je n’ai rien vu sur les vidéos qui puisse nous aider, fit Dries, par contre j’ai trouvé le moyen de faire fortune. Il suffirait de monnayer les morsures de vampires, ces jeunes seront prêts à dépenser des millions pour être transformés. Il se tourna vers Christiano en ajoutant : et puis pense à ton espèce, cela vous repeuplerait.

- Mon espèce n’a nul besoin de ce genre d’énergumènes. 

- Et c’est illégal, ajouta le night.

- Dommage. Sur ce je retourne au travail. 

- Il n’y pas que lui qui a du boulot, nous avons un vampire à interroger ! Vous allez vous reposez, j’y vais avec Chris, il est inutile qu’on arrive chez lui en force.

- Et s’il faut l’arrêté ? Vous aurez besoin de nous.

Le vampire se tourna lentement vers Sahel et lui dit en le toisant :

- Seul un vampire peut arrêter un autre vampire, si tu penses le contraire c’est que tu es fou, ou bien présomptueux. »

Sur ces paroles ils prirent leurs capes puis sortirent.

« Au fait nous allons malmener qui ?

- Un vampire du nom de Lucianor, fit le voleur de lumière distrait. Kier m’inquiète, confia Naël son ami alors qu’il prenait le volant.

- Pourquoi ?

- Il est violent, emporté et ne sait pas se contrôler. C’est un électron libre au sein du groupe.

- Comme toi il y a quelques années.

- Justement, je sais trop ce que ça donne ! Et crois moi ça ne présage rien de bon ! Pour l’instant j’arrive à nous contrôler mais j’ignore pendant combien de temps. Tu as regardé l’interrogatoire.

- En effet et j’ai remarqué que tu n’as même pas profité de mon cadeau !

Naël ne put retenir un sourire.

- Tu plaisantes mais à la fin lorsque je l’ai sorti j’ai cru un instant que j’allais le tuer, ma soif de sang est difficile à contrôler depuis que nous sommes liés.

- Peut être mais tu ne l’as pas fait. Ne t’embarrasse pas la tête de ces broutilles, cela n’en vaux pas la peine. C’est un bel homme tu as remarqué ? Avec l’âge on devient sensible à toute forme de beauté.

- Il ne m’aime pas. Je le pensais raciste mais j’ai changé d’avis, il ne m’aime pas c’est tout.

- Que veux tu on ne peut pas plaire à tout le monde. Vire le s’il te gène autant.

- Honnêtement je pensais le faire mais il a trouvé le sac. Je ne sais plus, je suis un peu perdu à son sujet.

- Quelque soit ta décision je te soutiendrais surtout si tu décides de l‘occire, j’aimerais bien boire son sang. Maintenant concentre toi, nous arrivons. »

Les crocs de la justice 88

Comme il s’y attendait rien ne fut trouvé, les enquêteurs précédents, les passants et la pluie avaient nettoyé les scènes aussi sûrement qu’une femme de ménage enragée. En arrivant dans la rue, Kiera eut une impression déplaisante, la haine avait marqué ce lieu. C’est étrange, se dit-elle, pourtant il était inscris dans le dossier que la rue ne portait aucun signe de violence. Je me fais certainement des idées songea-t-elle. L’endroit était calme, étrangement les passants se groupaient sur la rive d’en face, seuls quelques inconscients encombraient encore le passage, mais ils étaient rares.

« Tu as remarqué comment les badauds évitent ce trottoir.

- Il ont certainement vu ce qui s’était passé aux informations et maintenant ils fuient ce lieu par superstition.

- Oui, tu dois avoir raison »

Pourtant Kiera était persuadée qu’eux aussi le sentait. Ils rejoignirent les autres, puis partirent pour les autres places consignées dans le dossier. La pluie commençait à tomber quand ils arrivèrent sur l’embarcadère désert. Aucune des scènes de crime n’était peuplée, Kiera fit de nouveau la réflexion mais personne n’avait ne trouva de raison autre que celle avancée par le cyborg. Pourtant il y a quelque chose, se répétait-elle. Dans les yeux du Night elle vit qu’il avait noté sa remarque.

« On se dépêche, fit Naël, on regarde et on part vite, nous n’avons plus le temps de nous attarder. Ce n’est pas grave si vous n’avez pas une vision détaillée de cet endroit nous avons des photos ».

Kiera jeta un coup d’œil distrait aux lieux. Ils étaient près du fleuve baptisé Sylvain il y a bien longtemps en l‘honneur d‘un sultan aujourd‘hui défunt, cependant la population avait vite pris l’habitude de le surnommer le sultan et maintenant seul ce pompeux nom était utilisé. Le long de ses flans courraient de larges quais où les flâneurs aimaient se perdre les jours de repos. De temps en temps une aiguille perçait la chair du roi liquide, permettant aux marins de s’amarrer quelques jours. L’équipe se trouvait sur une de ces échardes de bois, regardant royal fleuve se déchaîner à leurs pieds. En face se tenaient des géants de pierres, des immeubles d’au moins cinq étages formaient un rempare protégeant la ville des manants qui voudraient y entrer. Au centre de cette masse s’ouvrait pourtant une sombre ruelle, vivante le jour, sinistre la nuit, songea Kiera. Un coup de vent effleura son visage qu’elle avait pris soin de protéger par la capuche de son uniforme. Elle offrit bien volontiers sa peau à cette tendre morsure, la fine bruine ne pouvait pas encore lui causer de mal. Mais alors qu’elle savourait le moment une flagrance lui chatouilla les narines. De la chair, de la chair mêlée de terreur, un cœur qui bat trop vite, une victime.

« Je n’ai jamais compris comment il est possible de construire des pontons en bois artificiel. Cette matière est pourtant sensible à l’acide, fit le cyborg en se penchant pour admirer les piliers

- Comme toutes les matières, mais la ville les traite régulièrement et ils sont renforcés en leur centre par une barre en titane. Ce matériau aurait suffit en lui seul, il est capable de rester des années au contact de l’acide sans en subir les outrages, mais le roi a trouvé qu’il serait plus joli et plus pittoresque de construire les jetées en bois. Cette coquetterie coûte des milliers d’Ulic à la ville chaque année mais il faut reconnaître qu’elle égaye le quartier, et il en a bien besoin ajouta-t-il plus bas. J’espère avoir résolu tous les mystères de ce lieu car maintenant nous partons»

Kiera ne les écoutait pas, elle suivait sa piste laissant l’animal la guider elle traversa la rue s’engouffrant dans la ruelle.

« Hé Kier tu n’as pas entendu ? C’est fini on y va !

- J’ai flairé quelque chose. »

Les crocs de la justice 86

« J’ai une question, annonça-t-il enfin. Mais je ne sais pas si elle est convenable.

- Essaye toujours.

- Qu’est ce qui se passe les soirs de pleine lune ?

- Hum, je ne sais pas, les gens deviennent fous je pense. Tu as toi aussi remarqué la recrudescence des crimes ? Il paraît que c’est pareil pour les naissances.

Aucune parole ne fit écho à ses mots, pourtant l’homme avait serré le volant, Kiera sentait sa frustration. Puis elle comprit et partit dans un éclat de rire.

- Tu veux dire pour moi ! Sahel nous sommes partenaires il faut que tu me dises le choses clairement ! C’est aussi de ma faute soupira-t-elle, avec tout ce qui s’est passé je n’ai pas pris le temps de parler avec toi. Écoute à partir de maintenant dés que tu as une question pose la moi, j’essayerai d’y répondre. 

Un sourire illumina le visage du cyborg. « Finalement, songea Kiera, Dries se trompait, cet homme a soif de connaissance. »

- Contrairement à la majorité des autres créatures la lycanthropie est une maladie, ainsi on ne naît pas loup garou mais on le devient. On peut être contaminé de deux façons soit par morsure, soit par malédiction, j’ai été maudite par une femme il y a de cela bien longtemps.

- Tu sais pourquoi ?

- Oui, et maintenant avec le recul j’ai du mal à dire que ce n’était pas mérité. Les loups sont plus faibles que la majorité des êtres habités par la magie de la terre. Ils sont mortels, ils peuvent être blessés par l’argent et si tu les meurtris sous leur forme animale leur plaie mettra un temps fou à cicatriser. On peut se transformer à volonté cependant les soirs de pleine lune l’animal qui est en nous devient incontrôlable et nous n’avons d’autre choix que de le faire sortir. Il faut que tu comprennes que dans le corps de chaque lycanthrope vit deux âmes, celle d’un humain et celle d’un animal, le loup est là en permanence, j’ai son instinct et son flaire en moi, il a ma sensibilité et ma compréhension du monde, ainsi un garou n’est ni un homme comme un autre, ni un loup comme un autre. Il est aisé de différencier un loup transformé d’un autre loup, sais-tu comment ?

- Non.

Kiera serra les dents, son amnésie était totale.

- Il n’existe plus de loup normal. Parmi les miens il existent deux sortes de loups, les solitaires et ceux qui vivent en meute. Lorsque tu es recruté par l’armée on te demande quel type de loup tu es, si tu ne le sais pas alors on te met d’office dans une meute. Les loups en clan vivent toujours ensemble qu’ils soient sous leur forme humaine ou non, il est extrêmement difficile de s’intégrer parmi eux car ils gardent leur famille. Ainsi beaucoup d’entre eux meurent sans n’avoir jamais parlé à une personne qui n’appartenait pas à leur tribu, sans jamais avoir connu l’amour et sans jamais avoir vu autre chose que leur univers. Mais ils sont heureux de cette paresse, ils se suffisent à eux même. En tant que loup solitaire je ne comprends leur esprit corporatiste que lorsque je suis loup, lorsque l’animal domine alors je cherche ma meute, je sens que c’est un manque qui me dévore. Mais lorsque le soleil se lève alors cette idée me révulse, naître et mourir sans jamais avoir vécu pour soi, quelle idée affreuse !

- Si je comprends bien ceux qui vivent en meute sont dominés par leur esprit animal alors que ceux qui vivent en solitaire sont guidés par leur conscience humaine.

- C’est ça, mais l’une des formes n’est pas meilleure, elle est juste incompréhensible pour l’autre. Ainsi les soirs de pleine lune les familles restent ensembles pour courir alors que les loups solitaires vadrouillent seuls. Il peut cependant arriver que quelques uns se regroupe pour faire face à une meute. Nous sommes tous réunis sur un territoire spécialement prévu à cet effet par le roi, ainsi aucun loup ne pénètre dans la ville. Ce terrain est gardé par des hommes armés pour s’assurer de la sécurité des citoyens mais il est assez grand pour qu’on n’ai pas besoin d’en sortir. A l’intérieur de cette zone il existe des territoires délimités par nos odeurs ce sont nos terres, nous pouvons y courir en toute liberté, mais ces zones ne sont pas toujours respectées, surtout par les meutes. Lorsque leur esprit animal domine ces hommes ils abandonnent toute conscience de soi, ainsi les traités de non agression signés entre humains ne valent plus. Entièrement livrés à eux même les loups ne sont rien d’autres que des prédateurs expansionnistes, ils traquent donc les solitaires pour les attaquer en masse. C’est dans ces cas là qu’il peut arriver que des solitaires se réunissent toutefois cela reste rare.

- Que se passe-t-il le lendemain ? Les hommes s’excusent ?

Les crocs de la justice 84

Bien sur ! Cali ! Hurla Kiera tout à fait réveillée à présent. C’était elle qui lui avait parlé de ces meurtres angoissants. Comment c’était fini cette histoire déjà ? Elle l’avait tué, non…elle avait été tuée peut être. Berka ! Jura-t-elle, je n’ai pas été assez attentive ! Elle se redressa, se mit en tailleur et respira profondément, son caractère emporté seyait peu au calme qu’exigeait la communication inter monde. Mais au moins elle elle y arrivait contrairement à Soraya, une petit victoire qu’elle avait toujours savourée. Elle se reprit, ce n’était pas ainsi qu’elle réussirait. Inspirant profondément elle fit le vide. Puis vient le moment où son esprit enfin apaisé plongea dans le vide de l’univers. Comme à chaque fois elle sentit son âme se dissoudre sans vraiment savoir si elle arriverait à revenir. Il ne fallait pas paniquer au risque de rompre la connexion, alors elle ignora ses peurs et continua d’appeler sa sœur dans le néant qui séparait les mondes. Au bout de quelques minutes Cali apparut enfin.

« Bonjour ma sœur, fit Kiera en se précipitant dans les bras fantomatiques de son aînée.

- Kiera ! Quelle joie de te revoir ! Comment vas-tu ? As-tu enfin réglé ton problème avec ton époux ?

- Cesse de faire ta grande sœur ! Et je n’ai pas d’époux ! Je te l’ai pourtant déjà dit.

Une lueur mi amusée mi tolérante éclaira les yeux de la princesse, de celle qui illumine le regard des aînés devant les certitudes enfantines.

- Soit, en tout cas j’espère qu’il est patient.

- Non mais tu le fais exprès ! Je…

- Kiera calme toi nous perdons le lien.

- Excuse moi, je ne viens pas pour ça. Nous venons de retrouver des corps dont les mutilations m’ont rappelées celles dont tu m’avais parlées. Est ce que tu as découvert le tueur ?

- En effet, il étaient deux complices, un ange et un démon qui s’étaient associés pour le plus grand malheur de ces femmes. Avant de mourir Alucard parlait d’un complice mais nous ne l’avons jamais retrouvé.

- Ils ne subissaient pas un délire mystique ?

- Si pourquoi ? Et comment le sais tu ?

- Notre assassin dispose les corps de façon quasi-biblique,tu penses que nos affaires pourraient être liées ?

- Non, les deux meurtriers sont morts, et même si leurs dernières paroles sont troublantes je suis convaincue que cette affaire est terminée. Et puis comment auraient-ils pu passer les frontières, seules les gardiennes le peuvent.

- Tu as raison, cependant je trouve des éléments de différentes terre sur les scènes, une de nos victimes a été crucifiée, et sur une autres j’ai retrouvé du Gerre, nous en avons pas ici.

- C’est troublant en effet, je sais que te dire. Pour nos assassins les corps n’étaient que des dommages collatéraux, ils pratiquaient la magie noire, maintenant qu’ils sont morts je ne vois pas qui pourrait reprendre leur rituel, surtout sur une autre terre cela n’aurait aucun sens !

- Peut être que nous avons un imitateur.

- C‘est possible mais ça semble peu probable, même si ton assassin arrivait à passer les frontières, ce qui est déjà impossible, je ne vois pas pourquoi il se livrait à ce rituel. Les sorts lancés par nos tueurs avaient pour but d’améliorer la race des vampires.

- Berka, tu as raison ça n’aurait vraiment aucun sens. Et mince c’était notre seule piste. Je suis désolée de t’avoir dérangée pour si peu.

- Il reste cependant un détail troublant, ils semblerait que nos tueurs agissaient pour le compte de quelqu’un.

Cali sentit sa sœur reprendre espoir et avant qu’elle ai pu finir sa phrase sa cadette l’interrompit d’un vibrant :

- Tu l’as coincé ?

Les crocs de la justice 82

Sans un regard pour elle il reprit son chemin afin de retrouver les autres. Arcadius l’attendait dans le bureau.

« On a des aveux !

- C’est parfait ! Où est Sahel ?

- Il s’occupe de la libération du môme.

- Excuse moi ta phrase précédente m’avait amenée, à tord apparemment, à penser que vous aviez obtenu des aveux.

- En effet il a avoué les meurtres des trois victimes, plus celui d’une femme qui vient de me dire au revoir. Je viens de appeler pour vérifier si allait bien. Il aurait avoué le meurtre de mon chat si je lui avais demandé.

- Tu as un chat toi ?

- Non, raison de plus. Et vous ?

Un sourire las éclaira le visage du lieutenant

- C’est un peu compliqué, mais elle est innocente.

- J’espère que vous avez au moins obtenu son numéro !

Le sourire las s’éclaira.

- Qui sait ?

Ce fut le moment que choisit Dries pour faire son entrée.

- J’ai fini, voici mon rapport et quitte à vous gâcher le suspens je vous annonce la fin du film : je n’ai rien trouvé de plus, les corps sont trop vieux. Maintenant je vais dormir.

Il avait lancé sur le bureau un épais dossier.

- Non, fit le night épuisé d’avance d’avoir à nouveau à faire preuve d’autorité. Je veux voir les corps avant.

- Est-ce vraiment nécessaire ?

- En effet. »

Ils remontèrent en silence, Naël préparant mentalement son serment, Dries épuisé d’avoir tant travaillé. En entrant le voleur de lumière ne put que constater que le labo avait retrouvé sa blancheur immaculée, en son centre reposaient les corps. Ils étaient intacts, aucune trace de la boucherie qu’ils avaient subis n’était visible, les jeunes femmes semblaient apaisées, elles avaient retrouvé leur beauté d’antan.

« Incroyable, murmura-t-il.

- Qu’est ce que vous croyez ! Je ne suis pas un barbare ! Merci pour la confiance et bonne nuit, vos excuses attendront demain. 

- D’accord. Demain en te réveillant j’aimerai bien que tu visionnes les cassettes des interrogatoires, tu trouveras peut être quelque chose qui nous a échappé.

- Certainement.

- Dries, c’est du bon boulot. »

Pour la première fois le night vit le mage sourire, ses hommes n’étaient pas si désespérants que ça. Et puis si le comportement de Kier ne s’améliore pas je le remplacerai, songea-t-il en rejoignant le bureau. Rien n’était perdu.

Les crocs de la justice 80